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Yves Bonnefoy

I
 
Quelques questions de Semicerchio sur le «mandat social du poète» comme l’ont défini Walter Benjamin puis Franco Fortini. Je vais essayer d’y répondre, du point de vue que je crois fondé d’adopter quand il s’agit des problèmes de la parole.
Mon idée de la poésie, c’est que celle-ci est une transgression de la pensée conceptuelle dont l’effet est d’assurer le plein exercice de ce que cette pensée rend difficile, voire impossible: le sentiment de notre finitude essentielle, la satisfaction des besoins, des aspirations, que celle-ci nous fait éprouver, la perception du sens qu’elle sait trouver à la vie, une autre sorte de savoir, autrement dit, et un rapport enfin rétabli avec cet autrui que nous fait perdre de vue l’approche toujours abstraite et partielle de la connaissance qui analyse. Et comme ce projet n’est jamais tout à fait réalisable, parce que les poèmes qu’il croit avoir délivrés des catégories et des intentions de la visée conceptuelle sont aussitôt envahis par les rêveries du désir, lesquelles sont du concept encore, il y a – c’est là toujours mon idée – un second degré dans la poésie, qui est de prendre conscience de ce défaut des poèmes comme ils existent, d’estimer qu’ils sont moins de la poésie que de l’art, de tenter d’en comprendre les nombreux illusionnements. Un travail d’autocritique, mais qui demande évidemment le concours des lecteurs, lesquels sont trop souvent des complices qu’il faut aider à être lucides. Un travail qui ouvre donc un champ de déconstruction et reconstruction de la pensée dans les poèmes mais aussi bien dans la relation sociale: qui institue dans la société un espace de vérité.
Et de cet échange en devenir, de ce champ de parole sous le signe du poétique, je propose aussi de comprendre qu’ils sont notre seule réalité proprement humaine dans le gouffre d’une matière aux phénomènes privés de sens: notre seule réalité ou, pour mieux dire, notre seul être, dont la poésie est ainsi la cause. La poésie est l’offre d’alliance qu’un poète conscient de la difficulté de son entreprise offre à un lecteur dont il sait bien qu’il éprouve – étant conditionné lui aussi par les préjugés de sa langue – les mêmes contradictions que lui et les mêmes aspirations, mais souvent sans qu’il le comprenne. Une alliance pour un combat vers la pleine présence de la personne à soi-même, et qui connaîtra les mêmes périls et traversera les mêmes vicissitudes que le poète en sa première écriture mais fera cette fois de ces événements sa conscience active avec, même aux moments les plus durs, l’espérance, un jour à venir, d’une grande parole d’élucidation réciproque. Cette parole que Rimbaud a dite «Noël sur terre».
La poésie? En bref, le projet le plus fondamental d’une société, et qui exige du lecteur du poème autant que de son auteur qu’ils se retrouvent ensemble à son plan de questionnement radical et de fondation. Entre le poète, s’il est à la hauteur de sa prétention, et ceux qui viendront à lui dans l’heure présente ou plus tard, c’est cette alliance le seul rapport qui ait sens aux yeux de la poésie: alliance dans la parole pour qu’il y ait de l’être sur terre.
D’où ma pensée, maintenant, sur cette idée du «mandat» qu’a formulée Walter Benjamin.
Le «mandat» que celui-ci considère a-t-il été, en un autre temps déjà que le nôtre, une façon de reconnaître quelque valeur à la poésie? Oui, sans doute, puisque il réfère aux capacités «symboliques» des poèmes. Mais que promet ce mot, symbolique, sinon la mise en scène par analogies ou autres figures des façons d’être et de la vision du monde caractéristiques de quelque milieu social en son époque; et puis-je accepter d’en faire la spécificité de la poésie, de la vraie, puisque j’ai défini celle-ci par la transgression des concepts, lesquels structurent ces comparaisons, ces idées du monde et de l’existence? Abordée sous cet angle, comprise ainsi comme simple littérature, la poésie n’est plus rien d’autre que ce que j’ai dit que les poètes refusent de tenir pour la fatalité de leur écriture, elle n’est plus que ce qu’ils demandent à leurs lecteurs de les aider à défaire. Et le «mandat» qu’on lui consent, d’exister comme elle l’entend mais au profit d’une réception qui ne fera qu’y chercher des significations, psychologiques ou autres, ou de la beauté, c’est donc bien autre chose que l’alliance dont son intuition a besoin pour se maintenir vivante dans l’esprit.
En vérité, le «mandat», c’est dès son premier jour la méconnaissance du poétique. Penser en termes de «mandat», «laisser faire» les poètes sans collaborer avec eux, les accepter au sein de la société, même volontiers, mais sans participation active à leur entreprise, c’est déjà la preuve que la poésie n’est plus perçue comme telle. Ne comprenant pas que les authentiques poètes refusent l’illusoire qui ne cesse pas de reprendre vie sous leur plume, le lecteur qui trouve sens à cette idée du «mandat», c’est celui qui ne perçoit dans les poèmes que des pensées, des désirs qui y sont formulés avec force, avec imprévu, c’est vrai; et ne se soucie pas de s’apercevoir que ces réseaux de la signification demeurent des formes de la pensée conceptuelle, c’est-à-dire un échec du grand projet poétique, un échec, un enfermement dont il reste donc le prisonnier, lui aussi.
Dès qu’il y a pensée d’un «mandat» accordé aux poètes, dès que l’on se contente de ce mandat, il y a oubli de la poésie, de la vocation de la poésie, oubli du spécifiquement poétique dans le poème, désormais compris comme seulement une des formes – plus inventive, plus désinvolte à l’égard des conventions – de l’expression de soi de la conscience ordinaire, celle qui pense en termes de choses à définir, ou à posséder, et non de présences à vivre. Et peu importe alors si ce mandat est consenti avec sympathie et quelque attention, ou s’il a sombré dans l’indifférence générale, comme au moment présent de la société occidentale. Dans un cas comme dans l’autre le poète privé de sa vérité et de son espoir sera en bien grand péril, tenté par exemple de trouver sens à se réduire à ce que je disais son art, c’est-à-dire à absolutiser le poème, à en valoriser la langue particulière, la différence, à se complaire à ses propres codes: ce que Guido Mazzoni appelle l’auto-référence de ses canons esthétiques.
Et plutôt donc que de s’inquiéter des plus récents développements dans l’histoire du mandat laissé aux poètes, mieux vaut, me semble-t-il, chercher à comprendre pourquoi, à une certaine époque, le mandat remplaça l’alliance dont il est permis de croire qu’elle a tout de même bien existé, à d’autres moments de la civilisation occidentale.
 
II
 
Pourquoi et comment et quand la poésie a-t-elle été réduite à une activité artistique? Puisque en essence elle est la transgression du conceptuel, on peut estimer que la cause de cet effondrement de sa réception a été l’omniprésence de ce dernier à des niveaux de plus en plus nombreux et profonds dans l’exister quotidien depuis que la technologie a multiplié ses produits, qui sont conceptuels presque entièrement: ainsi la voiture, le moteur, ainsi même, aujourd’hui, nombre de boissons et d’aliments. Mais cet effet de submersion ne s’est pas accompli de façon seulement quantitative, et mieux comprendre ce qui eut lieu aidera à mieux percevoir aussi les raisons de l’établissement du «mandat».
Ce qui eut lieu? La pensée conceptuelle, en ses formes philosophiques anciennes, saturées de métaphysique, mais aussi bien ses pratiques de chaque jour, avait longtemps accepté de ne pas contrôler en profondeur la réalité à laquelle elle s’attachait. Soit dans les choses ou les personnes, soit en présence du monde dans son ensemble, elle abandonnait tout un arrière-plan de son dire à un autre type d’explication. Celui-ci, c’était le divin et les mythes qui le raccordent aux apparences comme les sens les connaissent; et la croyance, la foi, venaient ainsi relayer les travaux de la raison ordinaire.
Mais cette même raison s’employait à détisser le réseau des mythes, le jour vint où Mallarmé put les déclarer de «glorieux mensonges», et que s’est-il passé à ce moment-là? Reprenant à son compte l’indication laissée par le Dieu désormais retiré du monde, à savoir que sa créature était comme lui supra-naturelle, l’instrument conceptuel se jugea capable, orgueilleusement, de tout comprendre de ce qui est, et ce fut là retenir toute la pensée à l’étude des phénomènes et de leurs lois, avec deux conséquences également dangereuses. D’une part, le concept prend appui sur les choses en leur généralité, sans souci du sens que l’on peut trouver à telle ou telle en son existence particulière – ce fruit que je ramasse, non celui qui paraît dans le dictionnaire – et suit de ce choix fondamental que le contact fut perdu avec l’exister dans le temps, le lieu, les hasards: un rapport de la personne à soi-même qui est pourtant le niveau de ses vrais besoins et aussi celui où le réel peut être compris, en sa profondeur, en son unité, de la façon la plus intime et heureuse. Étouffé le souvenir du particulier, de la finitude, les réseaux du concept se resserrent sur seulement une représentation schématique du monde et de l’être au monde: image partielle, abstraite et donc débordante d’énigme, génératrice d’angoisse.
Et d’autre part ce fut empêcher de voir que le retrait du divin ne signifiait nullement qu’il n’y avait plus de transcendance à considérer dans la relation au monde, bien au contraire. Qu’est-ce d’autre, en effet, que la moindre parcelle de la réalité empirique sinon une infinité de qualités et d’aspects irréductible, en sa masse, à la pénétration des concepts: ce qui est bien une transcendance. Or cette transcendance de ce qui est sur ce que l’on peut en dire, c’est dans des choses que la langue humaine a distinguées – les désignant par un nom, les pratiquant jour après jour, nous les donnant à aimer – qu’elle peut être éprouvée de la façon la plus naturelle. Et elle est donc ce qui, de l’une à l’autre de ces données primordiales, laisse entrevoir dans le lieu ainsi constitué un arrière-plan de réalité impénétrée par les mots, c’est-à-dire d’unité: cela seul qui permet à la personne particulière, aussi évanescente s’éprouve-t-elle, de se ressentir «au monde», pour citer Rimbaud encore une fois. C’est dans la transcendance du simple que nous avons notre preuve.
 
Ceci dit, cet infini au sein de la réalité la plus proche, cette transcendance dans l’immanence, cette unité qu’elle offre de vivre, c’est ce dont la poésie a mémoire, nous le savons. Et j’associe donc à la fin des «glorieux mensonges» celle de l’adhésion que l’on accordait antérieurement au projet de la poésie: non parce que les mythes disaient le vrai, quant à des mondes surnaturels, mais parce que la dissipation de leur transcendance illusoire a fait oublier le fait pourtant essentiel de la transcendance réelle, celle de toute chose, arbre ou pierre ou chemin, et aussi bien de toute personne, sur leurs représentations dans le discours conceptuel et la sorte d’emploi que l’on peut faire de ces dernières dans notre relation à nous-mêmes, dans notre idée de la vie. Un croisement de diverses routes s’offrait à l’esprit, il y avait là le transcendant des religions, qui appelle au dehors du monde, il y avait là le transcendant que je viens d’évoquer, le laïque, celui qui donne à notre séjour terrestre son épaisseur, sa capacité de dire l’Un et de le conjoindre à l’existence finie, il y avait là aussi et enfin le déni de toute transcendance, religieuse ou laïque, par une pensée qui se voulait rationnelle: et le mauvais choix a été fait, la voie du mystère simple n’a pas été perçue entre les deux autres, n’a pas été empruntée: sauf par les poètes les plus lucides. Une grande occasion a été perdue, au moins pour un moment dans l’histoire.
Je pense à cet autre carrefour, qui fut l’occasion d’un bien meilleur choix, en tout cas pour quelques grands peintres: celui qui se présenta au début du XVIIème siècle, quand Galilée fit apparaître dans sa lunette nouvelle le sol de pure matière de la lune. S’écroulaient ainsi quelques-uns des mythes dont s’était soutenue la tradition religieuse. La lune qui était restée jusqu’alors une enclave du symbolique dans un environnement déjà devenu simple réalité de nature achevait de prendre sa place à l’horizon du seulement humain, du terrestre. Mais elle ni quoi que ce soit de ce lieu ne fut compris pour autant comme du seulement conceptualisable, à preuve les grands paysages qu’Annibal Carrache ou Poussin ou Gaspard Dughet peignirent alors, avec un si fort sentiment de l’unité de tout vibrante à travers les collines, les arbres et ces ruisseaux, ces chemins au creux desquels ils laissaient s’aventurer une humanité encore librement respirante.
En ce premier moment de la dissipation du mythologique le transcendant inhérent à toute chose réelle s’ouvrit, en somme, à quelques grands esprits, ceux-ci bien naturellement des peintres, chez lesquels le sentiment poétique fut donc bien moins diminué que renforcé. Mais voici que trois siècles plus tard, à Paris, dans la revue Documents, Georges Bataille publiait la fameuse photographie d’un gros orteil saisi en gros plan: un aspect de quelque chose d’humain assurément aussi désertique que le sol lunaire dans la lunette galiléenne, mais qui cette fois fut interprété de façon tout autre. Il n’y a rien dans la profondeur des choses sinon l’évidence morne de leur matière, pensèrent Bataille et ses amis, hors du langage il n’y a que du non-être, nous sommes murés dans les mots, dans les relations entre mots, voués à la peur de la mort, réduits à l’auto-dérision et à ses divers «jeux lugubres».
C’est la perte du sens de l’infini dans la chose naturelle – et, aussi bien, dans les êtres – qui a privé notre modernité d’entendre la poésie, de suivre les poètes sur leur voie qui est regard autant qu’écriture, de faire avec eux autre chose que les laisser exister dans une sorte de réserve pour Indiens de l’esprit où on pourra venir regarder leurs danses sans s’inquiéter de savoir ce que celles-ci signifient ou plutôt désignent. Notre besoin est donc de réapprendre la valeur positive de ce qui est, de ressentir la «divinité» du brin d’herbe, de l’odeur du basilic, du rire des enfants, de la forme même de ce chemin que l’on voit tourner devant nous et eux parmi quelques arbres.
Et notre tâche c’est, méditant le moment originel de la crise – celui qui a vu les poètes réduits par le mandat à simplement des textes pour la lecture, des documents pour des analyses savantes –, de revenir à ce carrefour qui fut fatal afin d’y constater ce qu’est en fait une authentique parole: pensée conceptuelle, certes, mais aussi trésor de grands mots désignateurs de grandes réalités parmi lesquelles l’emploi poétique du langage nous permettrait de reprendre place, serait-ce pour constater des contradictions en nous, des déchirements, et beaucoup plus de tragédie en puissance que de bonheur facile à quelque locus amoenus. Pour qu’une alliance nouvelle remplace le mandat finissant, il faut que soit perçu ce surcroît dont l’évidence est d’ailleurs aussi bien dans le corps qui se sait mortel que dans le spectacle du monde.
Et ce n’est pas qu’il n’y ait, même aujourd’hui, des hommes et des femmes pour savoir cela, instinctivement, d’où suit que nos amis de Semicerchio ont tout à fait raison d’attirer l’attention sur l’importance présente, et même grandissante, de la chanson. Par ce mot je vois bien qu’ils n’entendent pas, fort heureusement, la petite chanson parlée comme nous l’avons si souvent en France, qui n’est que monologue avec peu de soutien rythmique, mais ces chants de partout sur terre où des sons venus de loin dans les bruits du monde et des rythmes simples, fondamentaux, prédominent sur les notions: ce qui est, remarquons-le d’ailleurs, le même travail et avec les mêmes conséquences que ce qui a lieu plus secrètement dans les poèmes qui sont vraiment poésie. Ici encore, en effet, la part sonore du mot transgresse l’autorité du discours, ouvrant à une parole où le Je profond se ressaisit comme présence à soi, comme finitude. Et c’est bien là le niveau dans l’expérience de vivre où ce Je peut rencontrer l’Autre et se retourner, de ce fait, contre ses illusions pour les critiquer et proposer alors à la société ambiante une recherche en commun. La chanson peut aider à faire revivre l’alliance du poète et de la personne quelconque qui avait cessé aux temps du mandat.
Mais pour autant elle ne remplace pas le poème car en sa brièveté elle ne peut entreprendre ce que celui-ci a pouvoir, à tout le moins, de tenter: soumettre à l’autorité des rythmes montant du corps – à ceux de la finitude – non seulement quelques mots mais tous les vocables et toutes les images bizarres, imprévisibles, que l’inconscient, par exemple, peut suggérer à une écriture qui n’a pas obligation de se refermer rapidement sur un texte ou de comprendre ce qu’elle dit à cet instant même. La poésie, l’écriture qui naît de l’intuition qu’est la poésie, c’est l’assomption de la langue en sa totalité, au niveau conscient de l’action ou inconscient des désirs. Et c’est aussi la mémoire du passé de la société autant que l’anticipation de son avenir: un vœu de tout embrasser qui peut seul assurer quelque efficace au travail contre l’illusoire, cette tâche du poétique. La chanson est assurément sans autant de défense que le poème contre le rêve, si en retour son rêve est souvent plus vrai, plus proche du besoin collectif, que ceux qui ravagent le rapport à soi d’écrivains établis dans la parole de leur époque d’une façon plus complexe, plus singulière.
Qui peut vraiment, aujourd’hui, aider à faire entendre ce que j’ai appelé la divinité de la chose simple, la transcendance de l’immanence? Qui peut rassembler ce divin sans Dieu présentement épars dans le chaos d’un monde perçu comme seulement une masse énigmatique de phénomènes? Simplement, tout de même encore, quelque grand poète à venir, et ceci en dépit du fait que la société présente, et c’est là un cercle qui risque d’être fatal, n’est pas préparée à l’entendre.
Mais aussi bien, peut-être convient-il aujourd’hui de penser à l’autre partie prenante, dans l’alliance qui fut et que nous désirons voir renaître, autrement dit au lecteur, dont les ressources ne sont pas aussi totalement épuisées qu’on pourrait le croire. Le lecteur? N’a-t-il pas été un enfant, en effet, avant de s’abandonner à la pensée conceptuelle qui régente la vie adulte? Un enfant dans l’esprit duquel cette pensée ne s’était pas établie encore, en dépit de la vie en lui de grands mots qui balisaient son horizon d’existence? Et qui de ce fait pressentait, vivait même, ce que la poésie voudra retrouver, d’où suit d’ailleurs que c’est de leur vie d’enfant que les grands poètes, en France Nerval, Baudelaire, Rimbaud, en Italie Leopardi, ont nourri leur vocation, puis leur énergie à la garder vive? L’adolescence est l’âge de l’inquiétude, des mythes, elle n’est pas de la poésie la source la plus profonde, mais l’enfance est la nappe phréatique où, partout dans la société, le poétique qui se dessèche en surface a des sources qu’un rien dans une existence d’adulte peut faire soudain revivre. Sur cette question de l’enfance comme cause de poésie je me suis souvent exprimé et n’ai pas ici, maintenant, à le faire encore. Mais je puis bien suggérer que la chance de l’avenir, s’il en reste une, ce que je crois, c’est à l’école qu’elle se joue: là où l’éducateur pourrait consentir à ne pas étouffer à coups d’analyses textuelles, c’est-à-dire de significations, grevées souvent d’idéologie, l’adhésion spontanée d’un enfant à quelque poème même naïf.
 
[a cura di Michela Landi]
 
Yves Bonnefoy è poeta, filosofo, critico d’arte, studioso di poetica e traduzione. Numerose sono le sue opere poetiche e critiche approdate in Italia. Professore emerito al Collège de France, ha tradotto Shakespeare, Yeats, Leopardi.

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